L’inaccessibilité patente du Pont de la Bleuse Borne sur la ligne 2 du tramway
Inaugurée en décembre 2013 et mise en service en février 2014, la ligne 2 du tramway en voie unique vers le Pays de Condé continue de faire parler d’elle. Aujourd’hui, les points noirs d’une carence d’inaccessibilité sont nombreux sur cette ligne 2, mais le summum se situe sur le Pont de la Bleuse Borne sur la commune d’Anzin, un concentré de tous les dangers, voire mortels, pour la personne handicapée en fauteuil ou pas.
(Cela ne passe pas… !)
Jean-Paul Roux, président de l’association V.A.L.H (Valenciennois. Accessibilité. Logement. pour les personnes Handicapées) : « Qui a validé les travaux du Pont de la Bleuse Borne ? »
Bon, soyons cash ! Un, le Pont de la Bleuse Borne où passe la ligne du tramway vers le Pays de Condé sur Anzin est inaccessible, voire mortifère, pour le cheminement des personnes handicapées.. Deux, Jean-Paul Roux, président de VALH et Karim Abdel Bennaî, président de l’association L.E.A (Liberté-Egalité-Accessibilité) ont pris un risque physique pour la réalisation de ce reportage photos associé à cet article ! Merci à eux deux !
Retour sur une collaboration réussie sur la ligne 1
Pourtant, une collaboration en faveur de l’accessibilité d’un transport en commun est possible. En effet, le collectif Le CHAT, regroupant des associations dédiées au handicap, fut associé en amont à cette réflexion sur la ligne de tramway Université à Denain en passant par Valenciennes. Jean-Paul Roux et Karim Abdel Bennaî étaient en 2003 présents dans ce collectif au titre de vice-présidents. A l’époque, le collectif le CHAT était présidé par Pierre Houriez.« Nous avons travaillé main dans la main avec le SITURV, station par station, tronçon par tronçon, pour la meilleure accessibilité possible du tramway », indique Jean-Paul Roux. « D’ailleurs, nous avions signalé que le tramway était trop éloigné du quai pour y accéder pour une PMR. La modification fut parfaitement prise en compte par les services du SITURV à l’époque », ajoute Karim Abdel Bennaï.
Et plus rien sur la ligne 2 ?
Force est de constater que le modus operandi à changer sur la conception de la ligne 2 vers le Pays de Condé. D’autres associations avec une expertise handicap ont-elles été mobilisées, quid ? Mais le résultat est pathétique, voyez plutôt !
Concrètement, si vous venez de Valenciennes. Premièrement, vous prenez le cheminement de gauche (visuel d’accueil) dont la déclivité est nettement supérieure à 5% « l’obligation légale », précise Jean-Paul Roux.
De suite, vous constatez avec un fauteuil électrique que la montée est difficile compte tenu de la raideur de la pente, les premiers poteaux sur le cheminement sont négociables, mais pas avec un espace minimum « de 1,40 mètre », ajoute-t-il. Pour le second testeur, à la force des bras, la montée est possible car Karim Abdel Bennaî est un handi-basketteur, il réussit cette ascension… !
Ensuite, après quelques poteaux difficiles arrive le poteau qui ne peut se contourner (voire visuel d’accueil et bas de l’article). Donc, l’inaccessibilité est avérée en plein milieu du pont. De l’autre coté de la voie de tramway partagée avec les voitures, l’inaccessibilité est identique. Par hasard, nous croisons une mère qui nous indique qu’elle a du mal à passer avec en poussette ( 3 roues). « C’est la 1ère fois que j’emprunte le Pont de la Bleuse Borne à pied, et la dernière », souligne-t-elle.
Chemin faisant, le pire est dans la descente, car la déclivité est affolante dans la position d’une personne en situation de handicap moteur, et en l’occurrence dans un fauteuil électrique. Clairement, Jean-Paul Roux prend la descente à l’allure minimale d’un fauteuil électrique, contourne les poteaux avec la peur au ventre. Il demande le maintien du fauteuil avec la poignée arrière pour se rassurer. « Si une personne en fauteuil chavire sur la droite, c’est l’accident grave dans le meilleur des cas voire mortel », souligne-t-il.
Enfin, la toute fin de la descente est cocasse même pour un fauteuil avec une mobilité manuelle. Digne d’une mini épingle à cheveux du Tour de France, Karim finit la descente sur deux roues (visuel ci-dessous). « C’est trop dangereux de le faire sur les 4 roues, on prend trop de vitesse. Je ne referai pas une seconde fois cette descente… », indique le présidente de L.E.A. Inutile de dire que ce numéro d’équilibriste n’est pas donné à tout le monde !
Depuis février 2014
Nous avons vu l’étroite collaboration pour la ligne 1, et l’absence totale avec les mêmes protagonistes pour la ligne 2 vers le Pays de Condé. Une question se pose clairement. « Quel est l’expert/handicap qui a validé cet aménagement sur le Pont de la Bleuse Borne. Qui a validé en dernier ressort ces travaux ? «
Assez rapidement après la mise en service, j’ai contacté les services du SITURV. « En quatre ans, une bonne cinquante de fois, l’ex SITURV, puis sous la nouvelle présidence Anne-Lise Dufour, son secrétariat, le DGS, le directeur de cabinet etc. jamais aucune réponse concrète de rendez-vous », souligne Jean-Paul Roux.
Faute de réponses, il se tourne vers le Sous-Préfet de Valenciennes, Thierry Devimeux, qu’i l’a reçu le 10 avril 2017. « Excellent accueil, il a écouté toutes les problématiques d’inaccessibilité de cette ligne de tramway », indique le président de VALH. Bizarrement, un rendez-vous est enfin accordé le 15 janvier 2018 avec le service technique, sur le pont en question, sous la houlette de Philippe Roulet, présent à cette occasion.
Il en résulte une demande devis du SIMOUV… toujours en cours ou validé ? « Mais, cela ne concerne que les poteaux ? En effet, à ma question sur la problématique de la pente, le service technique m’a indiqué clairement- C’est pas nous, c’est Ingérop (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) » !!! » Merveilleux, comme épitaphe sur une plaque mortuaire, ce sera du plus bel effet ! On se pince face à cette désinvolture vis à vis d’une personne en situation de handicap.
Remettons l’église au milieu du village, nous ne sommes pas quelques mois après une mise en service avec un vice-caché. Là, nous parlons de 4 ans d’exploitation. « J’ai constaté des dizaines d’anomalies sur l’ensemble du tracé de la ligne 2 vers la Pays de Condé. Bien sûr, l’urgence est le Pont de la Bleuse Borne sur Anzin. C’est un concentré d’inaccessibilité, on a la totale de ce qu’il ne fallait pas faire », conclut Jean-Paul Roux.
En colère après 4 ans de mutisme, ou presque, les deux présidents d’associations sont déterminés. « Nous irons au bout. Nous allons faire constater par huissier ces défauts d’accessibilité. Ensuite, toutes les options sont ouvertes si rien n’est fait par le SIMOUV ! », conclut Jean-Paul Roux.
Qui est responsable ET coupable ?
Certains lecteurs en responsabilité liront cet article d’un oeil agacé, se demandant pourquoi se penche-t-on sur cette problématique. C’est vrai, après tout, elles sont peu nombreuses les PMR à s’aventurer sur ce pont de la Bleuse Borne. Que ferait une personne en fauteuil roulant sur un pont public ? D’autres priorités urbanistiques passent bien avant comme toujours lorsque l’on évoque la prise en compte du handicap en France. On ne prend même par la peine de répondre aux sollicitations des associations concernées durant plus de 4 années, on remet à plus tard, pas prioritaire de fait. Comportements insupportables !
Voilà toute la considération d’une ligne de tramway furieusement pressée de s’achever sous l’ancienne mandature, sous la présidence de François Decourrière. C’est vrai, la prise en compte du handicap modifie les plans et allonge les délais. C’eut été le cas sur cette ligne 2. Comme le disait Michelle Greaume, alors maire d’Onaning, on est venu pour nous faire signer les plans du tracé de la ligne vers Quievrechain entre les 2 tours de la municipale 2014. L’empressement d’un nouveau service au public sans aucun doute…, enfin, pas pour tous les publics visiblement.
Ultime recommandation aux lecteurs en situation de handicap, n’empruntez sous aucun prétexte le pont de la Bleuse Borne, le danger est présent voire mortel.
Pour conclure si malheureusement un accident survenait. Qui serait responsable pénalement ? L’ancien président du SITURV Francis Decourrière ? L’ancien DGS Hervé Maillard ? Le coordinateur des travaux toujours en fonction Philippe Roulet ? L’assistance à Maîtrise d’Ouvrage Ingérop ? La nouvelle présidente Anne-Lise Dufour, le nouveau DGS, l’Etat, voire l’association experte en handicap qui aurait validée ce scandale urbanistique du Pont de la Bleuse Borne ? A un moment donné, il va falloir que les élus communautaires ne se contentent pas d’un rapport financier constatant un coût abyssal d’une ligne 2 vers le Pays de Condé et chercher plus au fond les causes. D’ailleurs ce document financier est-il arrivé au ministère public, si ce n’est pas le cas, c’est sans doute une erreur de la Poste… !
Dommage que le principe de la commission d’enquête ne s’applique pas, comme au parlement avec toutes ses prérogatives, au niveau des communautés d’agglomérations !
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Quelques photos d’ambiance dans un monde inaccessible…
Daniel Carlier