Du cycle de soins au cycle de vie avec le GHT du Hainaut-Cambrésis
En février 2017, l’arrivée du nouveau directeur général au Centre Hospitalier de Valenciennes, Rodolphe Bourret, a coïncidé avec l’ évolution structurelle de l’offre de soins dans les établissements publics de santé. Accessibilité géographique, adaptabilité de l’offre de soins, financement soutenable, le fameux GHT (Groupement Hospitalier de Territoire ) bouscule la santé publique sur ses fondamentaux !
Rodolphe Bourret, directeur général du CHV : « Je constate un attachement de la population au CHV ».
La SECU, quatre lettres inscrites au fer rouge dans l’inconscient collectif du citoyen comme Liberté, Egalité, Fraternité. Elles symbolisent une santé à la Française portée sur les fonts baptismaux après la seconde guerre mondiale, un accès aux soins pour tous, un pan de liberté pour chaque français. Dans le quotidien, deux piliers concrétisent de manière factuelle cette santé publique, le médecin et l’hôpital public de proximité.
Dans cette optique, chaque gouvernement, sans même évoquer un programme présidentiel, pèse, soupèse chaque mot concernant l’accès aux soins afin d’éviter toute fronde aussi fulgurante qu’imprévisible par son ampleur. C’est un droit acquis que nul ne veut réduire d’un iota. Cette appropriation viscérale s’exprime de différentes façons suivant certaines régions. « Dans le Valenciennois, je constate un attachement de la population au Centre Hospitalier de Valenciennes. La patientèle est sensible à l’offre de soins de l’hôpital public près de chez eux. Cette remarque est valable également pour ses agents hospitaliers qui évoluent dans un état d’esprit positif », indique Rodolphe Bourret.
« Je connaissais le CHV par sa méthode de gouvernance unique en France », Rodolphe Bourret
Pour autant, la pérennité de cet accès aux soins implique une efficience de l’offre dans les établissements publics de santé. Durant des décennies, le principe de la dotation globale a prévalu. La redondance des examens, des concurrences entre structures publiques, des postures médicales… ont conduit les ministères de la santé successifs à réfléchir à l’efficacité du financement de la santé publique. En 2004, la T2A (Tarification à l’Activité) est apparue, « et généralisée en 2008 », précise le DG du CHV, avec une volonté farouche d’une efficience retrouvée, d’une efficacité de la dépense publique de santé.
Pour autant, aucune règle n’existe sans croiser un jour son travers. En l’occurrence, la T2A « a eu le mérite de valider un cycle, des pratiques de soins dans un établissement public de santé. Je suis contre le retour à la dotation globale (comme avant 2004) où rien n’est évalué. Par contre, la T2A a abondé les finances des hôpitaux publics avec le plus de volume d’activité. Le ministère de la santé veut instiller de nouveau une prise en compte financière de la qualité du soin apporté au patient », précise-t-il. Pour rappel, le CHV a toutes les autorisations médicales sauf le service des grands brûlés, la chirurgie cardiaque, et la greffe.
Il serait trop simpliste de dire que l’efficacité budgétaire instaurée était totalement inhumaine. Toutefois, la notion de financement « soutenable » revient en force, un peu plus d’humanité dans un parcours de soins différent suivant les territoires… ! Une notion envisageable plus aisément dans un établissement excédentaire, depuis 5 ans, comme le CHV. « Je ne suis pas venu ici avec un plan de redressement des finances de santé comme c’est le cas sur d’autres hôpitaux publics, je connaissais le CHV par sa méthode de gouvernance unique en France. Je suis ici pour mettre en place un projet sur un territoire dont les indicateurs de santé sont catastrophiques. Le taux de surmortalité est supérieur de 31% à la moyenne nationale. Avec une amélioration de la qualité de soins, on pourrait réduire la mortalité annuelle de 3 000 décès sur le Hainaut-Cambrésis, notamment dans le domaine de la cancérologie et des maladies cardio-vasculaires », souligne-t-il.
Signature du Projet Médical Partagé
Le nouvel environnement de santé s’est dessiné dès juillet 2016 où le principe des GHT a été acté via la Loi Touraine. A cette date, les périmètres d’intervention de ces structures organisationnelles furent validés. Le GHT du Hainaut-Cambrésis (800 000 habitants) comprend 12 établissements publics de santé. Ils sont répartis en 3 zones de proximités avec le CH de Valenciennes comme site de référence : Valenciennois, Cambrésis, Sambre Avesnois ( CH de Denain, le CH de St-Amand-les-Eaux, le CH de Le Quesnoy, le CH de Maubeuge, le CH de Jeumont, le CH d’Avesnes-sur-Helpe, le CH de Fourmies, le CH de le Cadeau Cambrésis, le CH de Cambrai, le HD de Felleries-Liessies, le CH de Haumont, et le CH de Valenciennes).
Ensuite, fin 2016, la gouvernance de ce GHT a été mis en place. Evidemment, le poids de la politique locale inhérente à l’impact d’un service public de santé à proximité, ou pas, sur une commune constitue une donnée clé pour toute élaboration d’un projet médical.
C’est dans ce contexte épidermique, en terme politique, mais passionnant sur le plan de la cohérence médicale qu’un projet de santé s’est élaboré. « Dès le 01 janvier 2017, l’ARS (Agence Régionale de Santé) des Hauts-de-France a demandé la remise d’un Projet Médical Partagé. Pour y arriver, nous avons ciblé 7 filières médicales prioritaires au sein de ce GHT du Hainaut-Cambrésis. Toutefois, cette conduite du changement n’est pas à pleine maturité. Il faut définir dans le temps une mise en perpective collective », explique le directeur général.
Cette première phase fut réussie grâce à une négociation particulière. « Sur 21 filières possibles, nous nous sommes rassemblés sur un dénominateur commun faisant consensus, 7 filières. Cette mise en oeuvre du Projet Médical Partagé fut signée le 03 juillet 2017. Elle va s’étaler sur 5 ans avec au fur et à mesure un enrichissement du catalogue de nouvelles filières médicales », ajoute-t-il.
Sur la méthodologie, elle est différente suivant le diagnostic de la pathologie. Trois degrés sont validés : le local, le référent, le complexe. En clair, le patient peut se soigner au sein d’un établissement de proximité, ou au sein de l’hôpital de référence, Valenciennes en l’espèce, voire plus complexe avec une solution de soins sur le CHRU à Lille, mais pas exclusivement. « C’est la graduation des soins avec un objectif affiché, sa fluidité », précise Rodolphe Bourret.
« Il faut une 1ère ligne de soins », Rodolphe Bourret
Mieux soigner repose avant tout sur une meilleure prévention. « Le gouvernement devrait initier une véritable pédagogie en milieu scolaire. Il faut passer du cycle de soins au cycle de vie », explique le DG du CHV.
A ce titre, l’action préventive plutôt que curative est incontournable pour améliorer les données de santé. Le premier baromètre de l’état de santé d’une population est constitué par « la 1ère ligne de soins, la médecine de ville. Nous venons en surspécialité ». Sauf que la problématique nationale des déserts médicaux est particulièrement marquée sur le sud du département du Nord comme l’a signifié la commission territoriale de l’ARS. La résultante est l’absence chronique de médecins libéraux sur certains secteurs ruraux, mais également en milieu urbain « avec un engorgement de nos services pour soigner une verrue. Ce n’est pas notre rôle. L’Etat a de facto parfaitement raison de vouloir développer les MSP (Maison de Santé Pluridisciplinaire). Elle seront la 1ère ligne de soins. Toutefois, la règle d’or est toujours celle où le patient choisit son praticien », précise Rodolphe Bourret. C’est la différence fondamentale avec le système anglo-saxon.
En toute logique, la fluidité de l’offre de soins passe par un protocole partagé entre ce GHT du Hainaut-Cambrésis et la médecine de ville. « Après cette première étape de validation des 7 filières, nous allons établir un protocole entre les établissements publics de santé et les médecins », précise-t-il. L’idée est d’une logique d’efficacité implacable, le patient doit être dirigé par la 1ère ligne de soins directement à la bonne échelle d’intervention, locale, référence ou complexe.
L’autre outil en faveur d’une plus grande accessibilité pour tous à une offre de soins est la télémédecine. « Nous avons 7 spécialités en télémédecine sur l’hôpital de Valenciennes. Les autres CH du Hainaut-Cambrésis sont très demandeurs pour utiliser cette technologie », précise le Directeur général.
L’objectif ambitieux de ce GHT est limpide. « Quel que soit sa pathologie, et sa localisation, le patient doit bénéficier de la même offre de soins sur ce territoire », indique Rodolphe Bourret. La boucle est presque bouclée, car le nerf de la guerre demeure le financement de cette offre de santé de territoire. « La cible est définie. Dans un deuxième temps, nous validerons une trajectoire financière pour ce GHT », conclut-il. Cette nouvelle réflexion de santé marque l’avènement d’une T2A aménagée, modérée afin de prendre en compte la qualité du soin apporté au citoyen, et notamment sur un territoire en souffrance médicale comme le Hainaut-Cambrésis.
Voilà cette nouvelle donne, une philosophie de l’accès aux soins dont la clé est, certes de l’efficience budgétaire, un critère de qualité pris en compte, mais de l’humain avant tout !
Daniel Carlier