Valenciennois

Rafaële Rudent dessine le lien entre la culture et l’enfance.

Avez-vous déjà vu les yeux des bambins briller à la lecture d’un livre ? Comme par magie, il est entré dans l’histoire. « Encore encore… ». Quel plaisir. Le matin au réveil, un instant de pause dans l’après-midi ou la traditionnelle histoire du soir… Ce partage de moments privilégiés autour du livre et de la lecture est un monde sans fin, un encouragement à rêver, à penser. Le lien se fait. Rafaële Rudent est lectrice, elle sillonne les villes et villages de France pour lire des histoires à voix haute aux bébés, aux enfants, aux plus grands, aux adolescents et aussi aux adultes. La lectrice de l’association « Lis avec moi », la sauvegarde du Nord, est Valenciennoise. Interview.

Le plaisir et/ou la rage de lire ouvrent tant de fenêtres sur le monde vers un monde de rêves, de pensées, de réflexions et de partage.

Dans son panier des tas de livres, de petits, des moyens, des colorés, comme autant d’invitations au voyage. Sa route ? Le Valenciennois élargi, la petite dame intervient sur le terrain jusqu’au Cateau, Rieulay, Mortagne…pour la formation, elle voyage plus loin, Marseille, Guéret, la Haute-Savoie il y a quelques jours encore. En fait Rafaële est nomade, elle va là où les livres la portent, là où les projets fleurissent, avec des coordinateurs petite enfance, des médecins PMI, des institutions, des documentalistes, des éducateurs spécialisés, des animateurs de centres sociaux culturels, des coordinateurs de RAM etc… Dominique Rateau, thérapeute du langage, présidente de l’Agence Quand les livres relient, l’a dit récemment « le trio qui compte c’est l’adulte, le livre et l’enfant »

Lis avec moi balade ses valises remplies de livres sur le territoire.

L’équipe de Lis avec moi couvre le territoire pour aller à la rencontre des publics les plus éloignés du livre et pour beaucoup, nous confie Rafaële « cette rencontre là est un choc. Un choc émotionnel, mais aussi un choc du possible. » Elle ajoute « des parents qui vont s’autoriser à lire des albums pour leurs petits, et peut- être, franchir enfin la porte d’une bibliothèque, des ados qui vont s’essayer à la lecture à voix haute pour l’autre, des projets qui se montent ensemble avec les services de l’État et les associations de quartier. 1000 projets à construire, à rendre possible et….à recommencer car elle n’est jamais terminée cette affaire là autour de la culture et de l’enfance… »

En fonction des lieux et du public touché, Rafaële confie «  j’ai des jolis sacs bien remplis pour permettre aux petites mains d’y fouiller , d’autres fois un chariot à roulettes car les albums sont bien lourds et aussi des caisses et des paniers … c’est selon ! » Toujours aidée par des bibliothèques partenaires, à Valenciennes par exemple, «  Valérie Delisse , mon amie depuis très longtemps, y est bien plus qu’un appui logistique , c’est une mine de connaissance , elle est souvent ma mémoire lorsque je m’interroge sur le nom d’un auteur que j’ai sur le bout de la langue. », note celle qui ne se lasse pas de l’auteur illustrateur, Anthony Brown avec son merveilleux « Papa », où encore celui de Philippe Barbeau «  Le type » pour les plus grands. Et Rafaële a des albums ressources dans son jardin secret, dans lesquels elle plonge et s’y délecte, mais ça, chut….

(Crédit Photo Philippe Herpin - Lis avec moi. )
(Crédit Photo Philippe Herpin – Lis avec moi. )

Exercer son métier passion. La belle histoire de Rafaële Rudent.

Maman de quatre enfants, auxiliaire de puériculture de formation, Rafaële a fait avec son mari le choix de rester à la maison pour élever ses enfants quatre enfants. Durant leur scolarité, elle a mené plus de 10 ans des actions au sein de la bibliothèque de l’école primaire Plaine de Mons. Cet établissement accueille aussi un centre d’éducation motrice, « Thérèse Leduc, la directrice de l’époque, nous a laissé les rênes et nous y faisions des lectures auprès des enfants, organisions des expositions thématiques, des découvertes d’auteurs… »

Découverte. Richesse. Échanges. « Avec les enfants du centre de Motricité, j’ai découvert la communication non verbale et toute sa richesse , le premier pied dans ce monde merveilleux de l’album , celui qui m’a permis d’entrer en relation avec certains enfants par le regard, la modulation de la voix donnée , une respiration qui se bloque , une détente du corps. Partager un livre avec un enfant est devenu pour moi comme une nouvelle respiration. » 

Et puis Rafaële a réintégré le monde du travail, en animation péri-scolaire, quelques heures par ci par là, pour la mairie de Valenciennes, mais la curiosité et l’envie d’aller voir ailleurs l’ont dévorée de l’intérieur. « Je me suis essayée au conte dans les soirées « sac à contes » sur Lille… » Et là, le hasard fait bien les choses, de jolies rencontres, dont Dominique Walter, Conseillère d’Education Populaire, mais pas que, à la Jeunesse et Sports, et voilà Rafaële qui intègre la fabuleuse équipe d’Animalivre en bénévolat…et ensuite à la vitesse de pages qui se tournent lorsque l’on dévore un roman, tout va très vite « un mot, un sourire, des expériences partagées, font que Dominique parle de moi à Juliette Campagne directrice de l’équipe Oh combien prestigieuse de Lis avec moi . Voila , j’y suis depuis 1999. »

 

La magie des livres et des premières fois.

« Lorsque je m’adresse aux enfants, mon intention est de partager avec eux une émotion, de leur donner des billes pour avancer dans la vie, de leur permettre d’accéder à l’humour, le rythme, la vie, la mort , partager la musicalité d’un texte, initier le double sens, nourrir l’imaginaire, donner des mots jolis-jolis mots pour enrichir leurs bagages … », explique Rafaële. On ne lit pas aux personnes, on lit avec les personnes, du partage on vous l’avait dit…car faire la lecture dès le plus jeune âge favorise le développement de l’imaginaire, de la construction de l’être, mais également de l’enrichissement du vocabulaire, et des rêves. Les albums remplis de mots et d’images sont saupoudrés de la personnalité du lecteur.

De la lecture aux enfants, petits et grands, oui bien sûr, mais pas seulement, la lectrice lit en Centre Maternel avec des mamans en difficulté, elle ajoute « avec des papis et des mamies en EPADH , en milieu carcéral avec des hommes, des femmes, je rencontre des adultes en Maison d’accueil spécialisée, des collégiens, des bébés et leurs parents en consultation de nourrissons, je fais de la formation dans le département et hors département et ….parfois il me reste un peu de temps pour faire des vacations avec l’association Interleuk’in de Valenciennes et y rencontrer un tout autre public pour de plein d’autres missions. »

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Rafaële revient sur quelques premières fois gonflées d’anecdotes rigolotes.

«La première fois que j’ai vu une Mamie en EPADH me piquer un livre dans ma caisse et le serrer si fort contre elle que je n’ai pas eu le cœur de lui demander de me le rendre » ( c’était ça va mieux de Jeanne ASHbé). Des bébés qui éclatent de rire en consultation de nourrisson et qui entraînent avec eux l’assemblée, où encore une maman croisée en ville avec qui Rafaële a partagé des lectures à l’école « à cause de vous je vais à la bibliothèque toutes les semaines, parce que sinon mon fils me fait la misère … »
Où il est question de rencontres …qui durent.

« Lire pour l’autre, c’est se mettre à nu, c’est faire du sens au son, c’est permettre aux parents de pouvoir prendre ma place auprès de leur petit , c’est redonner confiance aux collégiens lorsqu’ils vont aller à leur tour partager un album en maternelle avec des petits, c’est permettre à un adulte en incapacité physique d’accéder à des bains de lectures, c’est donner accès à des papas en milieu carcéral à la littérature d’enfance au beau et au bon ! C’est rendre du sens aux actions … »

Rafaële en est certaine «  ce travail, on ne ne peut pas, je suis sûre, le faire si on n’est pas passionnée et convaincue. Lire pour l’autre, c’est se mettre à nu, donner à entendre son expérience, son émotion, partager bien plus qu’un texte et des images. Je lis des histoires à voix haute, je partage un patrimoine d’une lecture commune à qui veut bien me prêter ses oreilles et ses yeux  ». Écrire aussi, d’ailleurs.

Et lorsque Rafaële lit à voix haute « c’est toujours la première fois pour quelqu’un et pour moi toujours une première fois dans la rencontre avec l’autre. Lorsqu’on ouvre cette première fois là, elle ne s’arrêtera jamais et c’est bien comme ça… »

Céline Druart

 

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