Le contrat social selon Emmanuel Macron
Samedi dernier, le comité du mouvement politique « En Marche » Valenciennes/Watteau s’est réuni afin de présenter le programme, très attendu, d’Emmanuel Macron. Une réunion organisée au sein du restaurant les Arcades, avec une assistance intéressante de plus de 50 personnes
D’entrée de jeu, Delphine Alexandre balaye du revers la main le délai d’attente du programme de l’ancien homme fort de Bercy. «Pour ceux qui ont lu son livre, Révolution, ils avaient déjà les grandes lignes de son axe programmatique. Ensuite, il a été constitué suite à un retour de plus 25 000 contributions de la base, cela prend du temps. Aujourd’hui, il repose sur six piliers principaux», souligne Delphine Alexandre, la représentante du mouvement en marche sur le Valenciennois.
En premier lieu l’Education, véritable clé de voute de la pensée d’Emmanuel Macron, le Travail, la modernisation de l’Etat, la Sécurité, l’Europe, et bien sûr le volet, cher à François Bayrou, une loi de moralisation de la vie publique.
Deux chiffres cadres pour planter ce programme, 60 millards d’économie décomposés comme suit : 25 milliards de l’Etat et 10 milliards des collectivités locales avec notamment le non renouvellement de 120 000 fonctionnaires, 50 000 Etat et 70 000 collectivités locales, 10 milliards avec la refonte de l’assurance chômage, et l’assurance maladie à hauteur de 10 milliards. Ensuite, un plan d’investissement de 50 milliards d’euros répartis vers la Formation sous toutes ses formes(15 milliards), la transition écologique 15 milliards, santé 5 milliards, Agriculture 5 milliards, modernisation de l’Etat 5 milliards et Transports, et équipements collectifs 5 milliards.
L’Education
Il faut rappeler que cela demeure le premier budget de l’Etat, ce qui confère à cette thématique, une lourdeur pachidermique pour la transformer.
« Sur le Valenciennois, la réunion publique, tout comme nos contributions, ont fait ressortir le sujet de l’Education en premier », souligne Delphine Alexandre, responsable d’un comité à 80 membres. C’est une tendance nationale car le constat est sévère « presque 20% des enfants à la sortie de l’école élémentaire ne savent pas lire, pas compter, voire écrire correctement », ajoute-t-elle. L’égalité des chances face à l’éducation passe par une inégalité pédagogique avec des classes de 12 élèves maximum, pour les classes en CP et CE1, en zone classée REP (Réseau d’Education Prioritaire). De plus, il est impératif « que les enseignants soient expérimentés. D’ailleurs, une prime de 3 000 € net par an sera accordée à ces derniers. Cette mesure va générer l’embauche de 4 000 à 5 000 postes sur 5 ans dans le primaire », ajoute-t-elle.
Pour les rythmes scolaires, Emmanuel Macron lâche la bride et laisse le soin aux collectivités locales le soin de l’appliquer ou pas. Compte tenu de la baisse des dotations de l’Etat, c’est quasi une condamnation à mort de cette mesure, vertueuse sur le fond, inégalitaire sur la forme tant la disparité est immense entre une commune aux équipements de qualité, voire aux formateurs et les autres.
Le collège unique n’est pas remis cause, ni les grandes lignes de la réforme de la ministre de l’Education Nationale assez appréciée dans les différents programmes. Toutefois, il est un peu modifié avec un retour aux classe bilingues, car les français ne sont pas des cadors en langues étrangères, pas franchement un scoop, et le retour du latin et grec. Certes, ce sont des langues mortes, mais diablement intéressante pour la maîtrise de la langue française… si importante dans tous les programmes de cette présidentielle.
Pour le lycée, pas de grande révolution sauf la réduction du périmètre des matières finales du BAC. Seulement 4 examens phares resteront programmés en juin, les autres matières seront distillées durant l’année sous le forme de contrôle continu, et cela va générer des économies car le BAC demeure très onéreux. Bien sûr, la question clé reste l’orientation avant le BAC. Dans cette optique, le lycée professionnel et l’apprentissage seront particulièrement soignés pour que cette orientation soit valorisée et valorisante. Les 30 milliards de la formation professionnelle seront sujets d’une véritable réflexion de fond, efficience et efficacité sur tous les module. Pas comme parfois, où des formations sont élaborées pour un an juste, et ne débouchant sur rien, histoire de sortir une personne sans emploi de la catégorie A… !
Enfin, concernant l’enseignement supérieur, l’objectif du candidat est de donner plus d’autonomie aux universités et d’augmenter les bourses des étudiants éligibles.
La culture
Un sujet totalement connexe à l’éducation, la culture pour tous. Elle sépare une dictature d’une démocratie. Pour éveiller les esprits, et surtout permettre à tous d’accéder à la connaissance livresque papier ou numérique. « Emmanuel Macron veut ouvrir les bibliothèques le soir », explique une intervenante du mouvement En Marche. Ce sera un accès plus large pour les étudiants voire le grand public. Dans le même temps, les emplois pourvus pour assurer ce service tardif seraient dédiés aux étudiants, source d’un revenu pour certains de survie.
La culture à l’école avec le théâtre, voire la découverte de l’art en s’appuyant sur les GAFAM, l’accès numérique via (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Le Travail
Le postulat de base bouscule les prérequis. « Emmanuel Macron veut libérer l’entreprise et protéger plus le salarié », commente Delphine Alexandre. Une transformation nécessaire face au corset du code du travail, débouchant sur une actualisation, un fait sur lequel s’accorde beaucoup de candidats mêmes s’ils n’ont pas le même remède.
Ensuite, un changement de mentalité, ce qui est sans doute le plus compliqué et ceci est valable pour tous les candidats à cette présidentielle. Accepter l’échec, comme dans le modèle anglo saxon, très inspirant pour le candidat Emmanuel Macron, où échouer est une preuve d’expérience et rebondir devient une plus-value indéniable sur un CV. De l’autre coté de la lumière, ne plus fustiger la réussite, perçue presque comme une maladie honteuse ; gagner de l’argent devient suspect. Quelle terrible double faucheuse pour le développement personnel. La solidarité avec autrui, l’engagement pour lutter contre la précarité n’est pas synonyme de renoncement personnel à réussir plus que son voisin ! Comme dans la série le Baron Noir, série d’anticipation en 2016 de notre présidentielle 2017, l’acteur principal, Niels Arestrup dit « on ne vous demande pas d’être pauvre, mais de les défendre ».
Comme tous les candidats, le RSI sera remanié voire rapatrié dans le régime général.
L’assurance chômage pour tous, c’est une mesure socle dans le programme d’Emmanuel Macron. « Les salariés, les indépendants et les agriculteurs pourront toucher une assurance chômage. Par contre, vous pourrez refuser une offre d’emploi, décente avec maximum – 20% de baisse de salaire, mais pas deux sous peine d’exclusion de ce dispositif », explique Delphine Alexandre.
Le syndicalisme, la tête de turc des politiques doit tout de même se revisiter. Là, l’influence d’Emmanuel Macron est plutôt germanique avec le choix « de la négociation syndicale dans l’entreprise. Emmanuel Macron souhaite rénover le syndicalisme, trop peu présent dans les entreprises. Il faudrait au minimum 50 % de membres, par entreprise, afin que la discussion s’engage. Le principe des 35 heures est acquis. Toutefois, c’est une société de contrat où vous avez deux signataires», souligne Delphine Alexandre.
Enfin, le pouvoir d’achat serait augmenté grâce à un allègement de charges conduisant à une augmentation de 100 €, par mois, pour une personne bénéficiaire du salaire minimum légal, soit un 13ème fois au final de l’année. Une mesure assortie d’une hausse de la CSG, cet impôt provisoire à la française !
Pour les entreprises, c’est une baisse de l’IS (Impôt sur les Sociétés) de 33,3% à 25%.
L’Etat de proximité
Le constat est partagé. La ruralité est dépouillée, abandonnée « elle souffre d’une injustice », explique un intervenant sur le sujet. « Emmanuel Macron veut lutter contre les zones blanches », ajoute-t-il car la fracture numérique participe à ce décalage. Ensuite, un soutien à l’économie dans les villages et les quartiers sensibles avec notamment des emplois francs sous la forme d’une prime de 15 000 €, étalée sur plusieurs années, dans le cadre d’un CDI ce qui compense le coût des charges (même opération pour un CDD 5 000 €).
L’agriculture
La grand défi est le revenu de l’agriculteur. Pour cela, il faut qu’il arrive à tirer une rémunération décente de sa production, c’est simple et tellement compliqué. « Dans ce cadre, Emmanuel Macron veut lancer un Grenelle de l’alimentaire », explique un intervenant du mouvement En Marche. Son objet est de développer la consommation bio en faisant de l’information et de la prévention, revoir les filières de distribution en développant un maximum les circuits courts pour réduire les coûts et les prix, définir un partage équilibré de la valeur avec les représentants des agriculteurs, des industries de transformation, de la distribution et des consommateurs, là aussi pour réduire les coûts et le prix des produits.
La santé
Sur ce volet, le candidat à la présidentielle indique clairement qu’il n’y aurait pas de suppression de postes dans la fonction hospitalière. Prévention, soutien de la médecine libérale et éviter les déserts médicaux, la vente du médicament à l’unité afin d’éviter le gaspillage abyssal en la matière, voire un service sanitaire de 3 mois pour étudiants en santé. En clair, il n’y a pas de révolution sur ce secteur tout en sachant que la santé publique demeure un acquis social fondamental pour tous les citoyens français.
La probité…
Pour la loi de moralisation de la vie publique, on pourrait dire qu’elle s’inscrit parfaitement dans cette citation visionnaire de Henry Millon de Montherlant : « Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre ». Les pratiques byzantines de l’élu(e) politique, cela suffit !
Globalement, ce programme est construit, mais l’écume de sa lecture sera plus ravageuse que son contenu propre. S’il demeure la cible d’un héritage de François Hollande, sans droits de succession, il pourrait se diluer dans la dernière ligne droite, là où s’affirment et se cristallisent les convictions d’un homme ou d’une femme face au peuple. Sa ligne politique est celle d’un funambule sans filet, mais tel est le risque encouru pour oser bousculer le sacro saint gauche/droite !