Un toit pour vivre ou pour survivre ?
Avec la réhabilitation de l’ancien couvent les Clarisses à Fourmies, l’association Prim’Toit, très implantée sur le Valenciennois, a réalisé un défi à la fois architectural, financier et structurel. Rencontre avec l’équipe de Prim’Toit pour évoquer sa mission en faveur d’un logement pour tous , une réponse face à la précarité galopante.
(Justine Smagghe, animatrice Social et Éducatif, Dominique Bouton, responsable communication ADELI, Christophe Ferraï, directeur général d’ADELI et de Prim’Toit, Benoît Hautier, Directeur Adjoint de Prim’toit)
Au sein de l’association ADELI, structure chapeau, quatre associations participent à cette réflexion stratégique d’une part, et une mutualisation de services supports, d’autre part. Bien sûr, vous avez Ageval, historique dans le domaine de l’insertion sur Valenciennes, Adaci, dans le développement de chantiers d’insertion, EntreAide sur des chantiers ateliers d’insertion, et Prim’Toit agissant sur la thématique de l’hébergement, notamment des jeunes actifs. Cette dernière intervient sur un large périmètre comptabilisant, 4 arrondissements, 5 communautés d’agglomérations, 2 sur le Valenciennois, le Cambrésis, la Sambre-Avesnois et le Douaisis.
La vocation première de Prim’Toit est l’hébergement des jeunes actifs ou en cours de formations, moins de 30 ans. Cela représente 270 lits sur 600 disponibles sur l’ensemble de l’offre Prim’Toit. Autrefois, ces hébergements se dénommaient Foyer des Jeunes Travailleurs ; aujourd’hui, nous parlons de RHJ (Résidence Habitat Jeune).
Sur le sud du département, cette association a déjà un habitat collectif dans le centre de Fourmies, mais insuffisant face à la demande. «Nous avions l’intention d’acheter un autre site en centre-ville, mais quand nous avons eu connaissance de la mise sur le marché de ce bâtiment (les Clarisses), nous avons contacté la fondation des monastères qui a géré cette vente (atypique) pour cette communauté. Il ne restait plus que 2 soeurs et ce couvent se trouvait presque à l’abandon», explique Christophe FerraI.
Acheter un édifice sacré, le challenge n’est pas commun à l’heure où l’argent se fait rare. Même si la construction «et les murs étaient très sains. Nous avons dû rénover intégralement l’intérieur», précise le directeur général d’ADELI. Toutefois, la note financière fut salée car cette rénovation lourde a pesé 2,2 millions d’euros. «Nous avons eu accès aux emprunts d’Etat, un PLAI, un don de la Fondation Abbé Pierre de 100 000 € et surtout un prêt de la Caisse d’Epargne qui nous a suivi sur ce dossier», poursuit-il. Le coût du foncier, sur 2 hectares, restait très attractif 400 000 € et le reste de l’acquisition fut alloué à cette rénovation de prestige. « La seule condition imposée par cette communauté de soeurs était de conserver un ancien jardinier, aujourd’hui bénévole, M. Bijoux qui effectue un travail de grande qualité dans ce jardin », ajoute Christophe Ferraï.
Bien évidemment, ce projet fut l’occasion d’un chantier d’insertion durant 2 ans «en cohérence globale avec notre action au quotidien», souligne Christophe Ferrai. Le résultat est magnifique et fonctionnel «c’est le plus beau site de l’association, il est extrêmement apaisant pour les occupants», ajoute-t-il.
Qui est accueilli aux Clarisses à Fourmies ?
Au sein de ce couvent des Clarisses, construit en 1929, la répartition des différents accueils est ventilée autour d’un cloître, ce dernier est doté d’un jardin spacieux, de couloirs de déambulation larges, lumineux, puis des espaces individuels pour chaque résident. » C’est fini l’époque des foyers collectifs« , assène fermement Christophe Ferraï.
Tout d’abord, une Maison Relais, ex pension de famille, pour les personnes de 45 ans et plus «nous avons 22 logements pour 23 places. Le loyer est d’environ 400 €, comprenant l’énergie, avec un reste à charge pour l’occupant de 50 à 100 € suivant ses revenus», précise-t-il.
Pour arriver à cette fin, il est indispensable de connaître la vie de l’occupant temporaire. «C’est mon premier travail, je dois reconstituer le parcours administratif, les accès aux droits etc. », indique Justine Smagghe.
Ensuite, vous avez également 10 places pour les jeunes «des logements de stabilisation», poursuit Justine Smagghe. Ils sont directement envoyés par le CHRS voire via le 115. Ils sont réservés aux jeunes de 18 à 25 ans « mais ce n’est pas fermé sur la tranche d’âge. Ils peuvent rester de 6 à 12 mois, mais là également, il n’y a pas de règles figées », explique Benoît Hautier.
Enfin, 4 appartements, comprenant 15 places, ont été réalisés pour des familles. Ce sont des logements d’urgence. La durée moyenne est de 6 à 9 mois pour ces familles, le temps de recouvrer un chemin de vie dans un circuit plus classique. Vous pouvez retrouver également des femmes battues, avec enfants, et placées d’urgence sur un autre territoire, voire des problématiques de perte de logements débouchant dans la rue… « Nous avons également un autre site d’hébergement d’urgence dans l’Avesnois, sur Avesnes-sur-Helpe avec 11 places », précise Christophe Ferrai.
Habiter plutôt qu’héberger chez Prim’Toit
Les résidents de chez Prim’Toit ne sortent pas d’un moule unique, comme si les maux de notre société n’avaient qu’un seul visage. « Il n’y a pas de profil type d’un jeune chez Prim’Toit », souligne Benoît Hautier. Un signalement de jeunes en errance sur la ville de Valenciennes a été réalisé en 2016 auprès de Prim’Toit, une vingtaine de jeunes sauf que… Prim’Toit a dépassé sa mission régalienne et organisé « une action sur le terrain. Sur l’année dernière, nous avons récupéré chez nous 107 jeunes retrouvés dans la rue ou dans des conditions similaires de précarité », explique Christophe Ferraï.
La causalité de ce phénomène est vaste, mais un symptôme saute aux yeux des acteurs sur le terrain. « Il n’existe pas suffisamment de passerelles entre les thématiques de l’emploi, du logement, de la formation, et de l’insertion etc. », précise le directeur général d’ADELI. La conséquence est qu’une carence sur un de ces sujets débouche invariablement sur un décrochage sociétal, presque viral, elle tire tout vers le bas de la rivière. Toutefois, l’esprit chez Prim’Toit demeure l’hébergement des personnes, des jeunes en grande précarité. «C’est le moteur de notre projet associatif. D’ailleurs, je n’hésite pas à le rappeler dès que l’on s’écarte trop de notre coeur de métier», précise Christophe Ferraï.
Dans cet esprit, la volonté des acteurs de Priim’Toit est de laisser un espace de liberté au résident. « Je suis pour un encadrement global, mais pas globalisant », précise Benoit Hautier. La réflexion est même beaucoup plus fine « je préfère employer le terme « habiter » que celui « d’héberger », le jeune (et moins jeune) habite, il a son adresse physique chez nous durant son séjour. Nous ne participons pas un jeu de l’oie avec une personne venant chez nous. Ce n’est pas seulement une mise à l’abri, mais la construction d’un nouveau projet», ajoute Christophe Ferraï.
Un sujet politique… oublié !
En pleine campagne présidentielle, il serait bienvenue que les candidat(e)s positionnent au niveau qui est le sien, la problématique du logement. Bien sûr, l’emploi, la formation, la santé constituent des sujets cristallisants. Par contre, l’erreur est de croire que le logement est une résultante d’autres items. Le terrain, le quotidien de notre société malade nous prouve qu’un citoyen peut avoir un emploi, et pas de toit, être en formation, mais sans habitat, sans même parler de l’absence de logement qui va accentuer les problèmes de santé… ! Un habitat demeure de facto le socle, le radeau minimum sans lequel tout est extraordinairement plus difficile au quotidien. Rien que pour cela, l’association Prim’Toit, et tant d’autres qui oeuvrent dans le domaine, mérite toute l’attention de la puissance publique.