Territoire

Laurent Depagne : «Je quitte le Parti Socialiste »

Le vendredi 10 février 2017, Laurent Depagne, 48 ans, n’est plus carté au Parti Socialiste qu’il avait rejoint en 1995. Très discret durant la primaire de gauche, même s’il avait susurré ses doutes sur le programme de Benoît Hamon, le maire d’Aulnoy-lez-Valenciennes a choisi de reprendre son indépendance et de dire haut et fort pourquoi !

Laurent Depagne : « Je ne crois pas du tout au programme de Benoît Hamon »

Effet de surprise car on pensait que sur l’autel du rassemblement national à gauche, les convictions et surtout les ambitions personnelles s’étoufferaient dans un silence républicain… comme d’habitude dans les partis politiques. Non, presque à contre-pied, Laurent Depagne déclare «dès aujourd’hui, je quitte le Parti socialiste. j’ai prévenu la section d’Aulnoy-lez-Valenciennes, mais également le groupe socialiste et des démocrates sociaux de Valenciennes Métropole, dont je garde la présidence. Je n’ai reçu aucune réaction négative. De même, j’ai contacté Martine Filleul à la Fédération du Nord du P.S, elle m’a remercié de la prévenir», entame Laurent Depagne.

Clairement, le maire d’Aulnoy-lez-Valenciennes, a choisi l’amendement Chevènement, mais il laisse un testament au P.S pas piqué des hannetons… Pour mémoire, Laurent Depagne n’est pas un militant du printemps dernier. J’étais sur la liste de Jules Chevalier en 1995 pour la mairie d’Aulnoy-lez-Valenciennes, puis élu maire en novembre 2005 suite au décès du père du SITURV. Ensuite, il a participé à la victoire de haute lutte de Patrick Roy dans la 19ème circonscription. « Je fus collaborateur du maire de Denain, on connaît un peu plus ce travail depuis peu.. » A cette époque, être militant était différent selon le maire «car c’était une école du militantisme , avec des conséquences locales évoquées ci-après.

Sur le volet national

En premier lieu, il reconnaît la légitime victoire de Benoît Hamon : « Il faut respecter sa victoire à cette primaire de gauche. Pour autant, je ne crois pas du tout à ce programme. Et en premier lieu, au revenu universel et surtout sa capacité à le financer », explique-t-il. Seule vertu pour Laurent Depagne, son aptitude à financer la grande misère, sauf que «ce n’est pas du tout une idée neuve, c’est une vieille proposition du du XVIII ème siècle, ultra libérale. Ce revenu universel va autoriser la précarisation du travail. Certes, cette formule fascine. Mais, elle participerait au blocage des salaires, au petits contrats précarisés…. C’est une grave erreur. Et d’ailleurs, je ne comprends pas comment on peut défendre la loi El Khomri,(ou l’inverse) et valider ce revenu universel. C’est une grande contradiction ! », poursuit-il.

Ensuite, il poursuit sa lecture d’un programme de Benoit Hamon, son analyse est construite avec l’histoire même du P.S.. « plus de service public, plus de fonctionnaires…, je suis même surpris que son élection n’ai pas rassemblé plus de voix. Chaque militant du P.S veut entendre cela, mais derrière, il y a le principe de réalité. Malheureusement, cette primaire express n’a pas permis d’argumenter suffisamment cette évidence », ajoute-t-il. Ensuite, il rappelle que les propos de Benoit Hamon, un programme pour faire « rêver» et bien non…Pour Laurent Depagne : «Une ligne programmatique doit éveiller et réveiller les consciences et surtout pas les endormir».

L’histoire vous rattrape toujours et cet engagement de Benoit Hamon rappelle, pour le maire d’Aulnoy-lez-Valenciennes, «le programme commun qui a permis l’élection de François Mitterand. Après deux ans, même Pierre Mauroy a refusé au Président de la République la sortie du CME (Cercle Monétaire Européen) d’où l’émergence de Laurent Fabius et le début de la rigueur budgétaire dont nous ne sommes jamais sortis. Ce fut un bon choix de François Mitterand, et il a permis l’émergence de l’euro etc.», poursuit-il.

Autre point de crispation totale, car chaque maire socialiste «a reçu une lettre de M. Cambadéliis nous menaçant d’exclusion si nous donnions un parrainage à M. Macron. Comment est-ce possible ? Je n’ai jamais vu cela depuis que je suis un militant socialiste. Le premier secrétaire du P.S aurait dû faire preuve de plus de fermeté avec les frondeurs ! Que M. Cambadélis s’occupe de ses affaires (au P.S) », assène très courroucé le premier magistrat. D’autant plus que pour la première fois, les parrainages seront publiés sur le site internet du Conseil constitutionnel, et pas à l’insu de tous… c’est extrêmement pernicieux !

C’est le symbole d’une époque des partis révolus, où celle en 2017 d’un Vladimir Poutine et Donald Trump, d’une distance verticale faisant fi de toute opinion politique, entre le Bureau politique et sa base, à l’instar de la défense de François Fillion justifiant la moralité par la légalité d’une pratique insupportable pour le citoyen en 2017.

A titre personnel, il ne quitte par le parti de la rose «pour adhérer à un autre. Si le P.S revient dans un courant d’idées que je partage, je pourrais revenir au sein du parti. Mon candidat naturel était François Hollande. Une fois le retrait annoncé de François Hollande, je n’ai pris position pour aucun candidat», ajoute-i-il. Et d’ailleurs, il ne fait pas non plus un « acte de curiosité« , à l’instar du maire de Valenciennes, au meeting d’Emamnuel Macron, suscitant l’ire des Républicains du Valenciennois, malgré un communiqué de sauvetage risible. L’indécision est pire que le choix lui-même car elle laisse place pour le citoyen au calcul personnel, au profil de carrière et pas à de véritables convictions, qui peuvent évoluer, vers Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélanchon etc., et c’est respectable pour le coup.

Au niveau national, le rassemblement à gauche avec Jean-Luc Mélanchon lui paraît impossible. «  D’ailleurs, ils sont cohérents sur ce point. Demandez aux militants sur le terrain de la France insoumise, comme aux militants socialistes, ce qu’ils pensent du rassemblement », indique Laurent Depagne.

Au niveau local

Au niveau local, les propos sont aussi acerbes… et amers tout simplement. « Nous sommes dans la 19ème circonscription. A ce jour, nous ne savons toujours pas qui est le candidat à la députation. On sait qu’elle est réservée, pour une femme, depuis septembre 2016. On demande au militant de respecter les règles, et on va leur dire quelques semaines avant de distribuer des tracts. Il faut arrêter de les prendre pour des imbéciles ! Depuis son élection en 2012, nous n’avons même pas eu une seule réunion de circonscription, et reçu un seul courrier. Différents maires socialistes (de la 19ème) ont écrit à Mme Dufour, aucune réponse. Après tout, nous ne sommes que des maires socialistes », déclare furibond le maire d’Aulnoy-lez-Valenciennes.

Il poursuit sur cette future législative «tous les autres candidats sont en mouvement sur cette circonscription où le F. N… », précise-t-il. Certes, mais il y a 3 élections en 2017… !

De même, la règle du non-cumul, excellente au demeurant, ne s’applique pas automatiquement. «Il y a même des supers cumulards. Nombre d’élus ont pourtant réagi de suite en laissant tel ou tel mandat», poursuit-il.

A titre personnel, son éviction est limpide «on avait trop peur d’un élu socialiste qui ne prête pas allégeance à Martine Aubry. Regardez leur discrétion avant le 1er tour de la Primaire, ils se sont positionnées le soir du 1er tour, c’est facile». Cette éviction, selon Laurent Depagne, remonte loin à l’époque de Patrick Roy.

En effet, l’élu revient sur ce momentum douloureux. «A cette époque, Patrick Roy me téléphonait régulièrement afin de parler (hors état de santé) de la situation politique. Il souhaitait repartir devant les urnes… », explique-t-il. Chemin faisant la maladie rendait à l’évidence cette volonté politique impossible «et son choix était clair, Anne-Lise Dufour prenait la mairie pour apprendre, et je prenais le poste de titulaire à l’Assemblée nationale, et Anne-Lise Dufour suppléante. C’était la situation en juin 2011, et en septembre de la même année, je rencontre Anne-Lise Dufour qui m’indique que la circonscription était réservée pour une femme et qu’il n’y aurait pas de facto de consultations des militants », poursuit-il.

Comme au national, au niveau local, le rassemblement à gauche n’est pas acquis du tout… !

 

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