Une école d’art au village.
On connaît Poudlard. Forcément. A Mortagne-du-Nord, une école un peu particulière a vu le jour il y a dix ans, pas une école de sorciers, non une école d’art. Rencontre, entre chiens et loups, avec son directeur, Cédric Verlynde, au cœur du village. Ce vendredi soir on a causé culture et ça fait du bien !
« A partir de ce moment là, ma curiosité culturelle n’a plus eu de limites… On se rend compte que l’on a une sensibilité insoupçonnée qui se réveille à ces moments là. A partir de là, j’ai su ce que j’allais faire de ma vie future. Elle serait tournée vers la culture. Les portes s’ouvrent. J’ai taillé la route… »
«On a quand même essayé... », voilà ce qui nous a fait craquer. On a quand même essayé. Dans les bagages de Cédric Verlynde, de jolies expériences culturelles, des passages par la Rose des Vents, à kino-ciné, au Méliès… alors équipé de la marmite de la passion, il a mélangé un zeste de curiosité, une grosse poignée de volonté et d’amour de la culture et le rêve a gonflé comme un gâteau au four : la naissance de l’école d’art de Mortagne-du-Nord. Petit village de 1656 âmes, entre Saint Amand-Les-Eaux et Tournai, sur le territoire de la Porte du Hainaut, au bout de la frontière franco-belge. Une terre éloignée ? Non ! Des liens culturels existent et tissent leur toile petit à petit mais très sûrement, dans le but aussi de rompre l’isolement géographique d’un petit village. Pour Tous azimuts, l’association qui la gère, monter pierre après pierre une école d’art, ce n’est pas si sorcier ! La preuve, celle ci a tout juste passé 10 ans et est en train de devenir un véritable point d’ancrage. Pour fêter cela, l’école s’est agrandie d’ une nouvelle salle pour accueillir les cabarets-concerts, oui oui, baptisée « la salle de la cheminée sans feu »…ça ne s’invente pas ! Dorénavant dans ce lieu qui devient un peu underground vont chauffer les instruments de musique. Let’s go !
Cédric Verlynde, « un jour j’ai su que ma vie serait tournée vers la culture. J’ai taillé la route… »
Il nous accueille dans l’atelier, la pièce commune, la Grande Salle, une interview sur les tables d’écoliers, légèrement peinturlurées, ici c’est rempli de couleurs, de pots de peinture, de photos, d’objets divers, de puzzles, c’est une joyeuse pièce. Discret, le quadra a, encore, les yeux bleus qui pétillent, petite barbichette, longs cheveux poivre et sel attachés, l’allure décontractée, il est le Albus Dumbledore des lieux. Des études en histoire de l’art, après un bac et un CAP photo, puis des études cinématographiques pour terminer par un DEA esthétique et sciences des arts, options gestion des projets culturels, Cédric a toujours « travaillé en réseautage avec différentes structures culturelles de la métropole, et j’ai toujours gardé un rapport très fort au terrain », explique celui qui anime toujours des ateliers en milieu scolaire, notamment dans le cadre des NAP, « comme n’importe quel intervenant artistique, pour rester au contact.. Il s’agit de comprendre l’évolution des publics, jeunes et moins jeunes. »
De l’importance de la culture. « Je ne suis pas tombé dans la marmite petit. » Puis un jour. Le choc. La lumière. « Le déclenchement s’est fait au lycée de Condé, en option audio-visuel, nous sommes partis en voyage en Italie 5 jours. Il y a eu un avant et un après. » Une entrée dans la basilique d’Assise, avec les fresques de Giotto a changé sa vie. « A partir de ce moment là, ma curiosité culturelle n’a plus eu de limites… On se rend compte que l’on a une sensibilité insoupçonnée qui se réveille à ces moments là. A partir de là, j’ai su ce que j’allais faire de ma vie future. Elle serait tournée vers la culture. Les portes s’ouvrent. J’ai taillé la route… »
Et voilà comment tout a commencé…Pierre après pierre, construction de l’école d’art « Tous azimuts ».
Tous azimuts c’est son bébé. Aujourd’hui l’école d’art est composée de deux salles de 66m², une pour un atelier, l’autre pour les expositions, une cour, un préau etc. et depuis ce mois ci, une 3e salle attenante de 85 m² pour les concerts. Mais elle n’a pas toujours été comme cela, Cédric se souvient « au départ, nous avons acheté notre maison au village, c’était un ancien restaurant, nous faisions les expos chez nous, dans la cuisine. Tous azimuts est une association, qui a posé ses valises à Mortagne en 1999. L’école d’art, installée au centre de la commune est apparue en 2007, sous l’impulsion de Michel Quiévy, le maire.» Un maire dont le soutien est indéfectible. Lorsqu’un nouveau groupe scolaire a vu le jour, le rez-de-chaussée de l’ancienne école des filles a été récupéré ainsi qu’une salle dédiée à la bibliothèque.
Cédric a commencé tout seul en 2004. Puis en 2007 est arrivée Emilie Vucina, diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. Juillet 2016, la famille s’agrandit avec Loret Dardenne, et novembre 2016, encore un, cette fois c’est Sébastien Hildebrand, artiste associé. Une équipe de quatre qui a à cœur le vivre ensemble au quotidien avec les 83 enfants inscris, âgés de 3 à 15 ans. «On travaille avec un public non initié à la culture et à l’art. Cette année le thème suivi est « Dans les rêves » avec la création de gif animés et les résultats se font sentir sur les enfants. » Tous azimuts assure un suivi pédagogique et plus encore. Un autre rapport à l’enfant se crée afin de développer le sens critique, structurer la réflexion, construire la pensée et transmettre les valeurs citoyennes, particulièrement chez les jeunes en leur donnant accès à l’art et la culture. Une fierté pour Cédric, mais une fierté toute intérieure, « une jolie récompense », glisse t-il, la voix remplie de discrétion, il est comme ça, il nous raconte l’histoire d’Eloïse, qui a suivi l’école d’art toute jeune et qui aujourd’hui entre aux Arts Déco de Paris. Cédric sourit « on a réussi », le regard lointain, il ajoute « vous savez on veut bien recevoir tous les enfants du monde ».
« Ici impossible de dire que l’art et la culture coûtent chers et non la culture n’est pas réservée aux élites.»
Cédric y tient « non la culture n’est pas liée à l’élitisme. Je me bats pour cela. La culture n’est pas pédante, bourgeoise, hermétique, j’y tiens ! C’est beau d’avoir un projet, mais attention il ne doit pas être réservé aux initiés. Mais je ne fais pas de la culture populiste. Si je peux ouvrir l’esprit des enfants, ou juste une accroche, un repère de construction. » Presque un militant. Sont passés par l’école d’art Ben Vautier, Rebecca Dautremer, oui l’illustratrice jeunesse, Cédric explique « nous construisons un projet culturel. Nous proposons un mieux-être. Une bouffée d’oxygène. On n’est pas dans l’obligation d’être expert, ce qui compte c’est d’apprécier ce que l’on voit, ce que l’on écoute… ».
Comment fonctionne une petite école d’art à la campagne, là bas, près de la frontière ?
« Nous avons commencé nos actions en octobre 2003. Et depuis tout s’est assez bien enchaîné. Jusqu’en 2014 nous avons été financés par la Politique de la ville. Depuis cette date nous sommes passés en « territoire de veille » et c’est désormais la Communauté d’Agglomération de la Porte du Hainaut qui est notre principal financeur, 35 000 €, avec la Commune de Mortagne du Nord 18 000€. Nous ne sommes pas pour autant une école d’art « municipale ». Nous gardons une certaine autonomie . »
Mais ici, c’est aussi le système D ou mieux système R comme Récupération. La peinture ? « c’est un artisan, Christophe Verbrugghe, qui a une entreprise locale, il nous laisse ses pots de peinture qu’il ne termine pas. » Le polystyrène ? « la pharmacienne nous offre les plaques. Nous travaillons en bonne intelligence avec les structures locales. Les parents ramènent aussi… ». Même un partenariat avec Le Boulon pour l’événement incontournable, Les Turbulentes, qui aura lieu du 28 au 30 avril, au Centre des arts de la rue de Vieux-Condé. « Les enfants fabriquent les décors pour les Turbulentes et iront les installer eux-même et les parents amènent des objets de récup’. » Acteur culturel de proximité, l’école d’art considère ses partenaires comme autant d’aides qui permettent de lutter contre l’exclusion dans un village isolé de tout le pôle urbain, et ceci grâce à l’art et à la culture.
Dans ce village en terre un peu éloignée, ce joli projet d’école d’art évolue encore. Au fond du couloir, un escalier qui mène à d’autres pièces, un escalier qui fait ce qu’il veut…
Renseignements:
École d’art Tous azimuts : 10 place Paul Gillet à Mortagne. Carte d’adhésion familiale 15 à 20€ pour les résidents de Mortagne et de 30€ par famille pour les extérieurs. Horaires d’ouverture http://tous-azimuts-mortagne-du-nord.blogspot.fr/ et 03 27 26 39 88 / 06 79 78 06 77 – cedtousazimuts@hotmail.com