Anne-Lise Dufour pousse un « Cri »
On ne parle pas ici de l’oeuvre du célèbre peintre Edvard Munch mais d’un tout autre tableau, celui d’une ville, celle de Denain, au bord de l’implosion. Anne-Lise Dufour, la député-maire a lancé un appel au gouvernement face à une situation locale intenable dans la durée !
Anne-Lise Dufour : Nous constatons des scènes de guérillas urbaines
C’est la goutte d’eau mais l’agression, la semaine dernière, d’un jeune denaisien devant la piscine locale a cristallisé les habitants, les élus…, toute une communauté de destin. La première magistrate fait d’abord une piqûre de rappel sur les indicateurs sociaux du cru « ils sont extraordinaires, 58 ans d’espérance de vie, 6 700 euros de revenus annuel moyen, 30 % de chômage et jusqu’à 60% pour les jeunes de 18 à 25 ans« .
Cette commune était composée dans les années 60/70 d’une population « de 30 000 habitants pour retomber à 18 000 dans les années 80 après la fermeture des Mines et d’Usinor« , précise-t-elle. Aujourd’hui, Denain est une ville de 21 000 habitants, à une heure de TGV de Paris et pourtant « on assiste à des scènes de guérillas urbaines, à la Bat de baseball, à la hache, au sabre… aux sorties des écoles. Le jeune homme agressé la semaine dernière m’a beaucoup ému sur le moment, mais ce n’est pas un fait exceptionnel, c’est récurrent, c’est notre quotidien« , poursuit Anne-Lise Dufour.
Que faire ?
Anne-Lise Dufour atteste des actions déjà menées et des moyens financiers obtenus « 7 millions d’euros auprès des ministères de l’intérieur, du logement, de la santé et de la jeunesse car je n’hurle pas avec les loups« . L’ANRU 2 arrive avec pas moins de 20 millions à débourser par la commune afin de racheter à l’EPF les terrains portés par cet établissement public. 19 policiers d’arrondissement sont venus également renforcer les effectifs des forces de sécurité mais force est de constater que tout cela ne suffit pas même si le préfet de région est très présent.
« Je n’en peux plus ! J’en appelle au gouvernement. Denain a besoin d’un soutien renforcé »
Quelles particularités ?
La problématique de la seconde ville du Valenciennois est très particulière. « Nous avons 25% de logements sociaux (seulement) et ce n’est pas dans ces quartiers que le problème existe. C’est dans le centre ville et le quartier du Vieux-Denain. En effet, des maisons sont rachetées par des marchands de sommeil. Ils divisent l’habitat et logent des familles sur quelques M2. Surtout, ils ont rapidement compris que de louer à des familles en très grande précarité, qui ne diront rien, c’est très pratique. Ces occupants refusent d’ouvrir leurs portes aux services de l’hygiène de notre ville !« , constate Anne-Lise Dufour.
Bien plus troublant, la recherche de propriété met en lumière « des propriétaires de la couronne parisienne ou lilloise. Je me demande d’où vient cet argent pour racheter les maisons car en plus ils récupèrent les allocations au logement« , poursuit-elle. Aucun service public ne vas plus loin dans les investigations sur ces propriétaires indélicats, étonnant !
Cette situation est un engrenage car lorsque dans une rue où quelques maisons de cet acabit s’installent, les conséquences sur le coût de l’habitat sont terribles. « Le prix de l’immobilier est le moins cher de France. On achète une maison de rue pour 20 000 à 30 000 euros car les habitants ne supportent plus les conditions de voisinages bruyants et bradent leur logement« , précise-t-elle.
Mes collègues parlementaires me posent des questions « et je réponds, non ce n’est pas un campement, non ce n’est pas un squat, c’est un cas unique en France« , dit-elle.
Et demain à Denain ?
Là, les heures, les jours et les mois à venir sont en pointillé… « j’ai une crainte énorme. Certes, ce jeune agressé a eu le nez cassé mais je crains que nous connaissions des réactions beaucoup plus fortes« . Suite à un post de la député maire, les réseaux sociaux se sont enflammés avec des contenus édifiants « Armez-vous« … « Nous allons les chasser« … voire de suggestion de la création d’une milice ! La lecture d’un message en direct d’Anne-Lise Dufour relatif à une rixe entre Roms est inquiétante à tous les niveaux. Environ mille Roms ont été plus ou moins chiffrés sur la ville de Denain avec un appel d’air depuis septembre 2015.
Plusieurs fois, l’article 40, pour la reconduite aux frontières, a été actionné mais « une famille s’en va et une autre arrive voire plus. C’est une véritable mafia installée. Certaines rues du centre ville deviennent des ghettos. La problématique n’est pas l’origine voire la couleur de peau, c’est le comportement de ses populations« , précise Anne-Lise Dufour.
Passé industriel fort, le Denaisis est une terre d’accueil historique « je suis une fille d’immigrés italiens. Nous avons l’habitude d’intégrer mais pas de ce type de comportement« , précise-t-elle.
Les solutions
« Je ne suis pas désespérée, je suis en colère, je suis une combattante déterminée et je ne vais pas abandonner mon travail. Je n’ai pas fini de me battre« , clame la député-maire.
Les moyens sont identifiés, un contrôle plus soutenu de la CNAMTS afin de neutraliser les allocations si besoin est, plus d’agents de la PAF (Police de l’air et des frontières) sans parler de la loi ALUR « dont on attend les décrets d’application. Cette dernière me permettait de mettre en place une DIL (Déclaration d’Intention de Louer), en clair une visite de nos services avant la location afin de lutter contre les logements insalubres« .
Il faut préciser que des procédures existent par les services de la ville et de l’Etat mais en l’espèce « pour que cela fonctionne, il faut une collaboration du locataire et ce n’est pas le cas« , explique Anne-Lise Dufour d’où l’attente d’une loi ALUR opérationnelle… !
« Je veux obtenir la création d’un comité interministériel spécifique. Denain est un cas unique en France« , dit-elle. Elle n’envisage même pas une seconde un refus du gouvernement de créer le dit comité.
Et la politique…
Les futures échéances politiques ne peuvent pas être occultées de ce débat. Anne-Lise Dufour rétorque « ce n’est pas le sujet du jour. Je doute qu’un candidat les Républicains (en cas d’alternance) me disent-tout va bien à Denain- ! »
Ensuite, elle fustige le parti du Front National « qui n’apportera aucune solution. Ce parti vient toujours là où il y a de la misère, de la précarité… » Avec un score majoritaire sur la ville de Denain lors des dernières élections régionales, le FN sera très présent sur la 19ème circonscription des législatives. Indéniablement, ce cri d’alarme est à double tranchant, soit il va cristalliser un peu plus les populations à chercher d’autres réponses, soit il va donner un coup de fouet salutaire au plus haut niveau de l’Etat et au bénéfice de Denain.
« Le plus facile était de remettre le couvercle et d’attendre que cela craque, c’est inévitable« , conclut Anne-Lise Dufour qui a visiblement choisi un type d’action plus volontariste, ça passe ou ça casse !